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| | La tragédie grecque: Eschyle, Sophocle, Euripide | |
| | Auteur | Message |
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Miss Artemis Holmes Hogwarts marauder
| Sujet: La tragédie grecque: Eschyle, Sophocle, Euripide Dim 19 Déc - 19:05 | |
| C'est le challenge Pièces de théâtre qui m'a donné envie d'ouvrir un topic sur les auteurs antiques, et plus particulièrement les tragédies grecques. Dans ce topic, n'hésitez pas à venir donner votre avis sur les pièces de Sophocle, Euripide ou encore Eschyle et parler de ces personnages si marquants d'Antigone, Œdipe, Médée, Oreste, Electre, Clytemnestre, et tant d'autres ! Pour commencer, quelques éléments sur ces auteurs à qui le théâtre doit tant (je les mets en spoiler pour que ce ne soit pas trop long ) Eschyle - Spoiler:
- Wikipedia a écrit:
- Le premier grand nom de la tragédie grecque est Eschyle. Sa carrière de poète tragique correspond à la première moitié du Ve siècle av. J.-C. : sa première victoire au concours se situe en 484, mais ses premières pièces dateraient des environs de 500 ; et Eschyle termine sa vie en 456 à Géla, en Sicile. Seules sept tragédies d'Eschyle subsistent, mais on sait qu'il composa quatre-vingt-dix tragédies et vingt drames satyriques.
La plus ancienne tragédie conservée est Les Perses (472), seul exemple de pièce à sujet historique, inspirée à l'auteur par sa propre expérience de la guerre contre les Perses (Eschyle prend part aux batailles de Marathon et de Salamine). Suivent Les Sept contre Thèbes (467), consacrés à l'attaque de Thèbes par les sept chefs et à la rivalité entre Étéocle et son frère Polynice ; puis Les Suppliantes (464-463), dont le personnage principal est le chœur des Danaïdes, qui implorent la protection de Pélasgos contre les Égyptiades. En 458 est représentée l’Orestie : sous ce terme est désigné le seul exemple de trilogie tragique qui nous soit parvenu, consacré à travers les trois pièces qui la composent (Agamemnon, Les Choéphores, Les Euménides) à la malédiction des Atrides et au destin d'Oreste, vengeur de son père Agamemnon et meurtrier de sa mère Clytemnestre. La dernière pièce conservée d'Eschyle, Prométhée enchaîné est assez différente des autres, et met en scène des personnages divins uniquement, après que Prométhée a été cloué au rocher par Héphaïstos, sur l'ordre de Zeus.
Le théâtre d'Eschyle est d'abord caractérisé par certaines innovations formelles comme l'introduction du deuxième acteur que lui attribue Aristote, ou l'invention de la trilogie « liée » par un même thème ou une intrigue commune, comme dans l'exemple de l’Orestie. Et s'il repose moins sur la psychologie des personnages que celui de ses successeurs, il privilégie en revanche le spectacle des événements. Comme le dit Jacqueline de Romilly, « Eschyle aime montrer », et en tire un monde d'angoisse et d'images intenses, par exemple lors de l'évocation de la guerre, que l'on retrouve dans toutes ses pièces sauf Prométhée.
Les pièces d'Eschyle mettent en évidence les conceptions puissantes du poète sur l'équilibre de la cité, l'ordre civique, la responsabilité des chefs, ainsi que le dégoût de l’hybris qui met en danger cet équilibre. Cette préoccupation civique, sans doute influencée par l'expérience militaire d'Eschyle qui vit Athènes échapper à la destruction, est par exemple illustrée par le rôle qu'il donne à l'aréopage à la fin des Euménides : lorsque le tribunal acquitte Oreste, le public athénien ne pouvait ignorer l'allusion aux réformes d'Éphialte qui en avaient réduit le rôle trois ans plus tôt.
Le poids de la décision des dieux dans la conduite des affaires humaines est également essentiel dans le déroulement de ses tragédies, notamment à travers le sort militaire de la cité (la défaite de Xerxès dans Les Perses, la victoire d'Étéocle dans Les Sept), ou la malédiction familiale (celle des fils d'Œdipe dans Les Sept, celle des Atrides dans l’Orestie). Ceci fait du théâtre d'Eschyle, pour reprendre les mots de Jacqueline de Romilly, « la tragédie de la justice divine. »
Sophocle - Spoiler:
- Wikipedia a écrit:
- La vie de Sophocle correspond à l'âge d'or de la démocratie athénienne : né à Colone en 496 ou 495, contemporain de Périclès, il conduit à seize ans le chœur du triomphe de Salamine, et il meurt en 406 ou 405, avant la reddition d'Athènes en 404. Sa carrière de poète tragique débute au plus tôt en 468, lorsque son Triptolème est couronnée du premier prix devant Eschyle. Rival de ce dernier, puis d'Euripide, Sophocle remporte un total inégalé de dix-huit victoires aux grandes Dionysies. Il est l'auteur de cent vingt-trois tragédies, ainsi que de drames satyriques. De cet ensemble, subsistent les traces de cent quatorze titres et seulement sept pièces entières, auxquelles on peut ajouter les fragments importants du drame satyrique Les Limiers, retrouvés en 1912.
Seules trois pièces de Sophocle sont datées avec certitude : Antigone (442), Philoctète (409, dernière victoire de Sophocle au concours) et Œdipe à Colone (représentation posthume en 401). On peut noter que Sophocle aime utiliser les thèmes du cycle troyen et du cycle thébain. Concernant Troie, outre le Philoctète, Ajax est peut-être la plus ancienne pièce conservée de Sophocle, et Électre reprend le sujet des Choéphores d'Eschyle (le retour et la vengeance d'Oreste) en le renouvelant. Concernant Thèbes, outre Antigone et Œdipe à Colone, Œdipe roi est considéré comme le paradigme de la tragédie par Aristote qui cite la pièce à sept reprises dans la Poétique, plus que n'importe quelle autre. Enfin, Les Trachiniennes sont consacrées à la mort d'Héraclès.
Les évolutions formelles de Sophocle par rapport à Eschyle sont assez significatives : introduction du tritagoniste, réduction de la place du chœur, et abandon de la tragédie « liée ». Ces changements accentuent les enjeux individuels, l'analyse psychologique, les interactions et oppositions entre personnages : il est notable que la plupart des tragédies de Sophocle que nous connaissons portent désormais le nom du personnage principal, et ne désigne plus le chœur (exception faite des Trachiniennes). Ceci correspond à l'importance que représente le héros chez Sophocle. Souvent solitaire, le héros est abandonné voire rejeté, comme Antigone, Ajax, Électre et Philoctète, ou encore plus qu'aucun autre Œdipe, dans Œdipe à Colone (où cette solitude est transfigurée dans une proximité divine après sa mort). Cette solitude se traduit par le caractère du héros, obstiné dans ses décisions : parfois, l'obstination relève de l'aveuglement (comme dans les deux pièces consacrées à Œdipe), mais le plus souvent elle est liée à un enjeu moral, un choix qui rejette le personnage dans la solitude et participe à son statut de héros : ainsi d'Antigone, d'Ajax, d'Électre et, dans Philoctète, de Néoptolème.
Cette importance du héros et de sa psychologie conduit Sophocle à reconsidérer la place des dieux dans la tragédie. Ils ne pèsent plus de tout leur poids sur le déroulement et l'atmosphère quasi-rituelle des pièces comme chez Eschyle. Les dieux de Sophocle sont distants, mais pas pour autant cruels ou indifférents : leur intervention se fait par des oracles dont le sens est souvent l'objet même de l'intrigue. Ainsi de l'oracle sur Héraclès dans Les Trachiniennes, de celui sur Ajax, ou de celui sur Philoctète : des oracles vagues qui « laissent donc place à l'espérance et à l'erreur. » Alors que le spectateur connaît souvent le dénouement à l'avance, les personnages eux sont trompés par ces messages trompeurs : Sophocle introduit l'ironie tragique, dont l'illustration la plus aboutie est Œdipe roi, dans lequel le héros, faisant tout pour fuir son destin ignoble, n'a fait que réaliser celui-ci. Le message de ce théâtre est toutefois éminemment religieux : comme Créon dans Antigone, Œdipe est victime de son impiété, lui qui se riait des devins et croyait échapper aux oracles. Chez Sophocle, « les hommes n'ont pas à comprendre, mais à adorer. »
Euripide- Spoiler:
- Wikipedia a écrit:
- Né une dizaine d'années après Sophocle, Euripide meurt également avant ce dernier (vers 485-406): pourtant l'homme et son théâtre partagent peu avec son illustre concurrent. Sa vie est pleine de malheurs et il connaît peu de succès comme tragique : sa carrière commence dès 455, mais ne l'amène à remporter son premier concours que treize ans plus tard, un honneur qui ne lui revient en tout que quatre fois, ce qui traduit combien son art, neuf et libre, devait heurter. On attribue à Euripide quatre-vingt-douze tragédies, dont dix-huit nous sont parvenues (même si le Rhésos est très certainement apocryphe), ainsi que des drames satyriques dont un, Le Cyclope, est le seul exemple antique à nous être parvenu en entier.
Si l'on s'intéresse aux thèmes des pièces d'Euripide, on peut notamment constater que ce dernier n'hésite pas à écrire des pièces aux implications politiques claires, plus encore qu'Eschyle. Plus anciennes, Les Héraclides et Les Suppliantes sont tournées vers le patriotisme, que l'on retrouve aussi dans le personnage d'Égée de Médée), et dans Thésée (et que l'on devait retrouver dans certaines pièces perdues). À l'inverse, des pièces plus récentes déplorent les conséquences de la guerre, la ruine, le deuil et la captivité, sur un ton presque pacifiste ; c'est le cas d’Andromaque, d’Hécube, des Troyennes, et de certains passages de l’Hélène et d’Iphigénie à Aulis.
Le théâtre d'Euripide est également marqué par la peinture réaliste qu'il fait des personnages et de leur psychologie. Comme le note Jacqueline de Romilly, « les héros d'Euripide sont des êtres en proie à toutes les faiblesses humaines » : passions, intérêts, bassesses. Euripide est ainsi le premier à représenter l'amour au théâtre, dans Hippolyte et dans Médée notamment : le poète tragique ne se refuse aucune innovation pour illustrer la passion, créant la version du mythe dans laquelle Médée égorge elle-même ses enfants. Et, outre les gestes de violence, la passion motive des affrontements verbaux à l'intensité inédite, dans Hécube en particulier, des débordements de toute sorte qui montrent pour la première fois sur scène combien la passion relève de l'irrationnel, à travers des décisions brusques et des revirements répétés (outre Médée, Électre et Oreste dans les deux pièces éponymes, Hermione dans Andromaque, Iphigénie dans Iphigénie à Aulis). Impulsions parfois motivées par les sentiments égoïstes de personnages sordides qu'Euripide n'hésite pas à employer : l'Admète d’Alceste, le Ménélas d’Andromaque et d’Iphigénie à Aulis (dans un dialogue avec son frère Agamemnon qui n'y paraît pas sous un meilleur jour). Des figures qui mettent en valeur le contraste avec celles, idéalisées, d'Alceste, de Polyxène (dans Hécube), des Héraclides, de Ménécée (Les Phéniciennes), et bien sûr d'Iphigénie.
Le regard d'Euripide sur les dieux tranche aussi avec ses prédécesseurs. Inspiré par la philosophie rationaliste de son temps, Euripide ne fait plus dépendre l'action de la décision divine : les malheurs ou les péripéties ne sont dues qu'aux hommes, et les fluctuations du sort ne sont plus pourvues d'un sens. Ce hasard, Euripide l'exploite d'ailleurs particulièrement à travers les scènes de reconnaissance (Ion, Iphigénie en Tauride, Hélène). Et quand les dieux parfois interviennent c'est sous un jour cruel, comme Héra dans La Folie d'Héraclès ou Aphrodite dans Hippolyte.
Euripide innove donc dans la représentation que la tragédie fait de la cité, de l'homme et des dieux, comme on peut le voir en comparant Les Phéniciennes aux Sept d'Eschyle, ou Oreste aux Euménides : l'ampleur dramatique a cédé la place à la psychologie, à l'humain. Enfin, Les Bacchantes, la plus tardive de ses pièces avec Iphigénie à Aulis, est aussi la plus inhabituelle des tragédies grecques. Rêve d'évasion et illusion d'un ailleurs, elle montre un dieu, Dionysos, se venger sur un homme trop confiant, Penthée, qui finit massacré sur la scène par les bacchantes et notamment par sa mère Agavè, qui finit par s'apercevoir qu'elle tient dans ses mains la tête coupée de son fils. Seule tragédie mettant en scène le dieu de la tragédie parmi celles qui nous sont parvenues, pièce la plus religieuse d'Euripide, elle ne montre qu'un jeu atroce faisant de la misère humaine le plaisir des dieux et a donné lieu à de nombreuses interprétations parfois contradictoires. Quoi qu'il en soit, comme l'explique H. C. Baldry, « il n'y a pas de tragédie grecque qui suscite à un tel point la terreur et la pitié. »
Si vous voulez des informations plus détaillées, je vous renvoie vers les pages Wikipedia qui semblent bien documentées : Sophocle Eschyle Euripide Article sur la tragédie grecque De mon côté, c'est Sophocle que je connais le mieux, et qui fait partie de mes auteurs préférés. Son Antigone est un de mes textes préférés, que j'ai découvert en en travaillant des scènes Ce que j’aime dans la tragédie grecque, c’est la force des textes, leur poésie. Les émotions et réactions des personnages sont toujours exacerbées, et ne souffrent pas de demi-mesure. C’est par exemple la colère, la vengeance, la justice qui les anime, et qui les font parler et agir. On voit, en tant que spectateur, que leur sort est scellé, leur destiné inéluctable. Et pourtant on voit ces personnages se débattre avec leur sort, résister au destin, ne pas se laisser soumettre, ne pas se laisser abattre. C’est bien le cas de Médée d'Euripide, dont je vais vous parler, et que je l'ai lu dans le cadre du Challenge Théâtre. Affiche d’Alphonse Muncha, 1898 Voici les enjeux de l'histoire, dits par La Nourrice en tout début de pièce : - Citation :
- LA NOURRICE : Plût aux dieux que le navire Argo n'eût pas volé par-delà les Symplégades bleu sombre vers la terre de Colchide, que dans les vallons du Pélion le pin ne fût jamais tombé sous la hache et n'eût armé de rames les mains des héros valeureux qui allèrent chercher pour Pélias la Toison toute d'or! Ma maîtresse Médée n'eût pas fait voile vers les tours du pays d'Iôlcos, le cœur blessé d'amour pour Jason. Elle n'eût pas persuadé aux filles de Pélias d'assassiner leur père et n'habiterait pas ici en cette terre de Corinthe avec son mari et ses enfants. Elle plaisait d'abord aux citoyens du pays où elle s'était réfugiée et elle vivait dans une entente parfaite avec Jason; or c'est bien là que se trouve la meilleure des sauvegardes, quand la femme n'est jamais en désaccord avec son mari. Maintenant tout lui est hostile; elle est atteinte dans ses affections les plus chères : Jason trahit ses enfants et ma maîtresse et entre dans une couche royale; il épouse la fille de Créon, qui règne sur le pays. Médée, l'infortunée! outragée, à grands cris atteste les serments, en appelle à l'union des mains, le plus fort des gages; elle prend les dieux à témoin de la reconnaissance qu'elle reçoit de Jason. Affaissée, sans nourriture, elle abandonne son corps à ses douleurs; elle consume ses jours entiers dans les larmes depuis qu'elle connaît la perfidie de son mari; elle ne lève plus les yeux ni ne détache du sol son regard; elle semble un roc ou le flot de la mer quand elle écoute les consolations de ses amis. Parfois cependant elle détourne son cou éclatant de blancheur, et, en elle-même, elle pleure son père aimé, sa patrie, son palais, qu'elle a trahis et quittés pour suivre l'homme qui la tient aujourd'hui en mépris. Elle sait, la malheureuse, par son propre malheur, ce qu'on gagne à ne pas quitter le sol natal. Elle abhorre ses fils; leur vue ne la réjouit plus. Je crains qu'elle ne médite quelque coup inattendu : c'est une âme violente; elle ne supportera pas l'outrage; je la connais et j'ai peur qu'elle n'entre sans rien dire dans l'appartement où est dressé son lit et ne se plonge un poignard aiguisé à travers le foie, ou encore qu'elle ne tue la princesse et son mari et qu'ensuite elle ne s'attire ainsi une plus grande infortune. Elle est terrible! Non certes, il ne sera pas facile, à qui aura encouru sa haine, de remporter la couronne de victoire. — Mais voici les enfants qui reviennent de s'exercer à la course; ils ne pensent pas aux malheurs de leur mère : une âme jeune n'a point coutume de souffrir.
Médée est folle de colère, de jalousie, déborde d'une soif de vengeance qui va l'emporter jusqu'au meurtre de sa rivale et à l'infanticide pour se venger de son mari. Elle est dans la démesure, la destruction mais aussi l'auto-destruction. Et pourtant dans ce monstre, on se surprend à la pitié car son époux l'a en effet traitée de manière injuste. Tout au long de la pièce, la tension va monter, car comme le dit le coryphée: - Citation :
- LA CORYPHÉE : Terrible et difficile à guérir est généralement la colère quand ce sont des êtres chers que met aux prises la discorde.
Médée refuse tout compromis. Sa violence se déchaîne et rien ne peut l’arrêter. Même l'amour pour ses enfants n'est pas suffisant pour les laisser vivre. Elle doute, hésite, mais finalement commet l'irréparable Ce texte est très impressionnant. Si vous voulez le lire, il est disponible ici Et vous, avez-vous lu certaines de ces pièces ? Qu'en avez-vous pensé ? |
| | | Popila Bookworm
| Sujet: Re: La tragédie grecque: Eschyle, Sophocle, Euripide Dim 19 Déc - 19:23 | |
| Comme j'ai fait des études de lettres classiques, je connais assez bien ces auteurs, dont j'ai traduit de nombreux extraits. Le plus difficile est sans doute Eschyle, mais la pièce intitulée Les Perses, qui évoque les guerres qui opposa les Grecs aux Perses, est fascinante.
Sophocle est un auteur plus accessible ; j'ai étudié Oedipe-Roi en Terminale pour le baccalauréat. Au départ, j'étais très déçue, car j'aurais préféré que l'on étudie Antigone, une pièce que je trouve captivante, et qui comprend de très beaux choeurs, mais nous avions un jeune professeur qui nous a fait comprendre de manière très approfondie et enrichissante tout l'intérêt de cette oeuvre, qui comporte une très belle suite, plus apaisée, Oedipe à Colone. J'ai lu les sept tragédies qui nous restent de Sophocle, et j'ai dû traduire des extraits d'Ajax, une pièce sur la folie qui s'empare d'un des héros de L'Iliade. Les dieux apparaissent comme des êtres particulièrement cruels dans cette pièce !
Euripide est sans doute l'auteur le plus proche de nous parmi les trois grands poètes tragiques grecs ; il est souvent comparé à Racine, qui s'est souvent resservi du canevas de ses pièces. J'ai traduit de longs extraits de Médée, une pièce que j'ai beaucoup aimée, en particulier le passage où l'on rapporte à Médée le fait que la couronne et le vêtement qu'elle a offerts à la nouvelle fiancée de Jason se sont enflammés une fois que la jeune femme les a revêtus. C'est un passage à la fois terrible et beau. Sinon, j'ai aussi traduit Les sept contre Thèbes, une pièce que j'ai trouvé absolument interminable et qui traite de la guerre qui opposa Etéocle et Polynice, les deux fils d'Oedipe. Par contre, cette pièce est assez originale, car elle n'est pas conforme à la légende la plus populaire qui entoure Oedipe. _________________ |
| | | Akina Bookworm
| Sujet: Re: La tragédie grecque: Eschyle, Sophocle, Euripide Lun 20 Déc - 9:48 | |
| Merci pour ce topic Miss Artemis Holmes !!
A la volée, comme ça, les deux pièces qui m'ont le plus marquée, ce son Antigone de Sophocle et Médée d'Euripide.
Antigone, je l'ai lu juste après l'Antigone d'Anouilh. Celle d'Anouilh m'avait fait pleurer comme une madeleine et je n'imaginais pas que la pièce antique put être mieux. Et ben si. Toute en retenue, toute en délicatesse, sobre et profondément émouvante, c'est une pièce extraordinaire. Popila, tu me donnes envie de lire Oedipe-roi et Oedipe à Colonne ...
Quant à Médée, je l'ai aussi découverte grâce aux cours de grec, en traduisant le même passage que toi, Popila ! Ce passage est terriblement émouvant : on savoure à la fois la joie que Médée éprouve en se vengeant, et la douleur de la fiancée qui, joyeuse et heureuse comme une jeune mariée, meurt dans d'atroces souffrance. Mais le passage que je préfère dans cette pièce est ce long monologue de Médée où elle hésite à tuer ses enfants, où la vengeance de la femme trompée se bat dans son coeur avec l'amour de la mère. C'est pour moi la tragédie dans son sens le plus pur !
Les Perses, je veux absolument le lire ! |
| | | Miss Artemis Holmes Hogwarts marauder
| Sujet: Re: La tragédie grecque: Eschyle, Sophocle, Euripide Dim 2 Jan - 19:49 | |
| Merci beaucoup pour vos avis, les filles ! Je n'ai pas eu la chance d'étudier d'extraits de ces auteurs lors de mes études (qu'est ce que j'aurais aimé ! ) et j'ai découvert ces textes par hasard, grâce à un professeur de théâtre qui m'a fait travailler Antigone, et en allant voir L'Orestie d'Eschyle au théâtre de l'Odéon (en 2000 je crois). Je me souviens que la mise en scène était particulièrement sanglante mais ces pièces m'ont marquée malgré tout ! - Popila a écrit:
- J'ai traduit de longs extraits de Médée, une pièce que j'ai beaucoup aimée, en particulier le passage où l'on rapporte à Médée le fait que la couronne et le vêtement qu'elle a offerts à la nouvelle fiancée de Jason se sont enflammés une fois que la jeune femme les a revêtus. C'est un passage à la fois terrible et beau.
Pour le plaisir, je suis allée chercher le passage (source : ) LE MESSAGER : Après que les enfants, ta double descendance, furent arrivés avec leur père et entrés dans la demeure nuptiale, nous nous réjouissions, nous les esclaves qui compatissions à tes maux : car de bouche en bouche aussitôt courut avec insistance le bruit que toi et ton mari vous aviez mis fin à votre ancienne querelle. L'un baise la main, l'autre la tête blonde de tes fils, et moi aussi, plein de joie, dans l'appartement des femmes je suivis les enfants. Or la maîtresse qu'aujourd'hui à ta place nous honorons, avant d'apercevoir le couple de tes enfants, fixait sur Jason un regard plein d'ardeur. Mais ensuite elle se couvrit les yeux, pâlit et détourna sa joue, saisie d'horreur à l'entrée de tes fils. Ton mari voulut apaiser la colère et le ressentiment de la jeune femme. Il lui dit : « N'aie pas de haine pour ceux qui t'aiment. Renonce à ta colère et retourne la tête de ce côté. Vois des amis dans les amis de ton mari. Accepte ces présents et demande à ton père de faire grâce de l'exil à ces enfants, pour l'amour de moi. » Mais dès qu'elle eut vu la parure elle ne résista plus et accorda tout à son mari. Tes fils et leur père ne s'étaient pas éloignés du palais qu'elle avait pris les voiles brodés et s'en était revêtue. Elle place la couronne d'or sur ses boucles. Devant un clair miroir elle arrange sa chevelure, souriant à l'image inanimée de sa personne. Puis elle se lève, descend du trône, s'en va par l'appartement. Gracieusement s'avance son pied si blanc. Les présents la transportent de joie. Encore et encore elle se dresse sur la pointe des pieds et regarde son talon. Mais ensuite ce fut un spectacle horrible à voir : elle change de couleur; pliée en deux, elle recule; ses membres tremblent; elle n'a que le temps de se laisser tomber sur le trône pour ne pas s'abattre à terre. Une vieille servante, croyant que ce sont là peut-être les fureurs de Pan ou de quelque dieu qui la saisissent, pousse le cri de la supplication. Mais bientôt elle lui voit à la bouche venir une blanche écume, dans leur orbite les pupilles se retourner, le sang abandonner le corps. Alors, au lieu de sa plainte religieuse, elle lance une longue lamentation. Aussitôt l'une se précipite à la demeure du père, l'autre vers le nouveau mari pour leur apprendre le malheur de l'épousée. Tout le toit résonne de courses multipliées. Déjà, forçant l'allure, un rapide coureur aurait franchi les six plèthres et atteint le but que, jusque-là sans voix et évanouie, la malheureuse poussant un terrible gémissement revient à elle. Car un double fléau s'attaquait à sa personne : le diadème d'or posé sur sa tête lançait un prodigieux torrent de feu dévorant et les voiles légers, présents de tes enfants, mordaient la chair blanche de l'infortunée. Elle fuit, s'étant levée du trône, embrasée, secouant sa chevelure et sa tête en tous sens, pour rejeter la couronne : mais l'or restait fixé à sa tête, soudé, et le feu quand elle secouait plus fort sa chevelure redoublait d'éclat. Elle tombe sur le sol, vaincue par l'infortune, entièrement méconnaissable sauf pour son père : on ne distinguait plus la place de ses yeux ni la grâce de son visage; le sang, du sommet de sa tête, dégouttait au milieu des flammes; les chairs, comme la larme du pin, sous la dent invisible du poison, des os se détachaient, affreux spectacle! Tous redoutaient de toucher le cadavre : son sort était pour nous une leçon. Or son père, le malheureux! dans son ignorance de la calamité, soudain entre dans l'appartement, se jette sur le cadavre, gémit aussitôt, enveloppe le corps de ses bras, le baise en disant : « Pauvre enfant! Qui des dieux t'a fait périr aussi indignement ? Lequel m'a privé de toi, moi un vieillard, un tombeau ? Hélas! puissé-je mourir avec toi, mon enfant! » Puis quand il eut fini ses lamentations et ses sanglots, il voulut redresser son vieux corps, mais il adhérait, comme un lierre à des rameaux de laurier, aux voiles fins; et c'était une lutte horrible. Lui voulait soulever son genou et elle le retenait. S'il tirait avec force, ses vieilles chairs s'arrachaient de ses os. Enfin il renonça et rendit l'âme, l'infortuné! car le mal était plus fort que lui lu. Ils gisent morts, la fille et le vieux père, à côté l'un de l'autre. Que de larmes mérite leur infortune! Pour moi, de ce qui te regarde, je suis empêché de parler : tu connaîtras toi-même le juste retour du châtiment. La vie des mortels! ce n'est pas d'aujourd'hui que je la considère comme une ombre et je dirai sans trembler que ceux des humains qui passent pour habiles et avides de science sont condamnés à la plus dure des peines. Parmi les mortels, il n'est pas un homme heureux. L'opulence, quand elle afflue, peut donner à l'un plus de succès qu'à l'autre, mais le bonheur, non. - Akina a écrit:
- Mais le passage que je préfère dans cette pièce est ce long monologue de Médée où elle hésite à tuer ses enfants, où la vengeance de la femme trompée se bat dans son coeur avec l'amour de la mère. C'est pour moi la tragédie dans son sens le plus pur !
C'est vrai qu'en lisant Médée, on comprend ce qu'est la tragédie ! S'agit-il de ce passage dont tu parles ? MÉDÉE : [...]O mes enfants, mes enfants, vous avez donc une cité, une demeure où, m'abandonnant à mon malheur, vous vivrez pour toujours, privés de votre mère. Et moi je m'en irai en exil vers une autre terre avant de jouir de vous deux et de vous voir heureux, avant de vous avoir mariés, d'avoir paré votre couche nuptiale et levé pour vous les torches de l'hyménée! Ah! malheureuse que je suis à cause de mon orgueil! C'est donc en vain, ô mes enfants que je vous ai élevés, en vain aussi que j'ai peiné, que j'ai été déchirée par les souffrances, que j'ai supporté les terribles douleurs de l'enfantement! Ah! oui, jadis, infortunée! combien d'espérances avais-je placées en vous! Vous me nourrissiez dans ma vieillesse et, après ma mort, vos mains m'ensevelissaient pieusement, chose enviée des hommes. Maintenant c'en est fait de cette douce pensée. Car privée de vous je traînerai une vie de tristesse et de souffrances. Et vous, votre mère, jamais plus vos yeux chéris ne la verront : vous serez partis vers une autre forme d'existence. Hélas ! hélas ! pourquoi tournez-vous vers moi vos yeux, mes enfants ? Pourquoi m'adressez-vous ce dernier sourire ? — Malheur! Que faire ? Le cœur me manque, femmes, quand je vois le regard brillant de mes enfants. Non, je ne pourrais pas. Adieu, mes anciens projets. J'emmènerai mes fils loin du pays. Pourquoi me faut-il, pour torturer leur père par leur malheur à eux, redoubler mes malheurs à moi ? Non, non, pas moi. Adieu, mes projets. Mais quoi ? Je veux être condamnée à la risée en laissant mes ennemis impunis ? Allons! de l'audace! Ah! quelle est ma lâcheté d'abandonner mon cœur à ces faiblesses! Rentrez dans le palais, mes enfants. (Elle lève le bras vers le Soleil.) Celui à qui Thémis interdit d'assister à mon sacrifice, cela le regarde, mais je ne laisserai pas faiblir ma main. Hélas ! Non, mon cœur, non, n'accomplis pas, toi, ce crime. Laisse-les, malheureuse! Épargne tes enfants. Ils vivront là-bas avec moi et seront ma joie. Non, par les vengeurs souterrains de l'Hadès, il n'arrivera jamais que je livre moi-même mes fils aux insultes de mes ennemis. Il faut absolument qu'ils meurent; puisqu'il le faut, c'est moi qui les tuerai, qui les ai mis au monde. C'est chose faite, inévitable. D'ailleurs, la couronne sur la tête, dans ses voiles, la royale épousée expire; j'en suis sûre, moi. Allons! puisque je vais entrer dans la voie des plus terribles malheurs et leur faire prendre une voie plus funeste encore, je veux dire adieu à mes fils. Donnez, mes enfants, donnez à baiser votre main droite à votre mère. O main adorée, ô bouche adorée, traits et visage si nobles de mes enfants! Puissiez-vous être heureux tous les deux, mais là-bas! Le bonheur ici-bas, votre père vous l'a ravi. O doux embrassement! ô délicieuse peau! ô haleine si douce de mes enfants! — Allez-vous-en! Allez-vous-en! Je ne suis plus capable de tourner mes regards vers mes fils. Je suis vaincue par les malheurs. Je sais les crimes que je vais oser, mais ma colère est plus puissante que ma volonté et c'est elle qui cause les plus grands maux aux mortels. |
| | | Akina Bookworm
| Sujet: Re: La tragédie grecque: Eschyle, Sophocle, Euripide Mer 5 Jan - 17:13 | |
| C'est terrible et beau. Que j'aime ces deux passages... |
| | | Séverine Overbearing Master
| Sujet: Re: La tragédie grecque: Eschyle, Sophocle, Euripide Mer 5 Jan - 20:02 | |
| Ah oui! C'est vrai que c'est carrément beau et ça donne vraiment envie de connaitre le reste, si tout le reste ressemble à ces deux passages. Merci Artemis, je vais peut-être me laisser tenter, pourquoi pas, alors que jusqu'à présent, j'avais un peu peur de ces pièces, pensant que ce serait difficilement abordable, voir même ennuyeux... Enfin, j'étais bête et pas franchement curieuse. Merci d'avoir susciter l'envie. |
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| Sujet: Re: La tragédie grecque: Eschyle, Sophocle, Euripide | |
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| | | | La tragédie grecque: Eschyle, Sophocle, Euripide | |
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