Compartiment pour dames d’Anita Nair

Je lis rarement de la littérature générale/blanche contemporaine et quand ça m’arrive, je suis souvent déçue : le style prime sur le fond, les personnages passent leur temps à se plaindre et à être passif, l’ambiance est déprimante, etc.
De plus, le terme de “vignette” a tendance à me faire fuir : le format est souvent trop proche de la nouvelle à mon goût !
Mais ce thème indien m'intéressait et ce livre a été le seul que j’ai trouvé à la bibliothèque ! Je l’ai donc commencé en me disant que je n’avais pas à le finir si il ne me plaisait pas ! Voici mon verdict pour ce premier contact avec la littérature indienne contemporaine !


Synopsis :

Akhila a toujours fait ce qu’on attendait d’elle et tout sacrifier à sa famille. mais un jour, elle en a assez et décide de partir en voyage pour faire un bilan de sa vie. Dans le train qui l’amène à destination, elle est dans un compartiment réservé aux femmes. Les autres passagères vont lui parler tour à tour de leur vie et de la situation de la femme dans une Inde coincée entre traditions et modernité…






Je suis entrée dans ce roman beaucoup plus facilement que je ne l’aurais cru ! Si j’ai du mal avec les romans trop ancrés dans le quotidien, l’exotisme du cadre m’a tout de suite intéressée !Et le format vignette est très bien exploité ici : si on se concentre un peu plus sur Akhila, les histoires des autres femmes permet d’offrir une vision plus large de la situation des femmes en Inde. Les femmes qu’on découvre sont toutes complexes, avec leurs défauts et leurs qualités, empêtrés dans leurs contradictions et leurs désirs, mais toujours intéressantes ! J’ai particulièrement aimé l’histoire de Margaret et de sa revanche sur son époux, celle de la vieille femmes était touchante aussi, et celle de la femme pauvre révoltante (on voit à quel point l’Inde rurale est encore très traditionaliste et machiste) !

Le fait d’avoir ces différentes histoires permet aussi de varier les tons !

Je pense que ce roman m’a plu avant tout parce qu’il a fait vibrer ma fibre féministe ! En effet, j’avais déjà vu quelques films bollywoodiens, et si j’ai adoré le côté grand spectacle, la vision souvent traditionaliste de la femme me dérange. Avec ce livre, on rentre plus en profondeurs dans les aspirations de ces femmes qui connaissent l’occident mais sont encore enfermées dans le carcan des traditions !

J’ai apprécié aussi que toutes ne trouvent pas leur voix de la même façon, et parfois fassent des choses que je n’approuverais pas forcément ! C’est aussi l’occasion de se souvenir qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour avoir la relative égalité hommes/femmes dont nous jouissons en Occident (même s’il y a encore des tas de choses à améliorer et de stéréotypes à changer) !



Bref, ce n’est pas un coup de coeur ultime, mais j’ai effectué un voyage plaisant et exotique en compagnie de ces femmes je me laisserais sans doute tenter par les autres livres de l’auteure si je tombe dessus ! Je vais peut-être aussi essayer plus de livres de “littérature contemporaine du monde” (non-occidentaux) : le fait de les connaître moins bien les rend tout de suite plus intéressant à lire, même s’ils parlent de choses plus terre-à-terre que mes lectures habituelles !

Merci pour ce topic, JainaXF Et contente que tu aies apprécié ce roman

Je l'ai lu il y a des années (j'étais encore au lycée) mais j'en garde un non souvenir. J'ai très envie de le relire. Je profiterai sans doute de l'animation indienne sur Whoopsy Daisy pour le faire.

Oui, quand on sait à quel point je suis difficile en matière de littérature contemporaine, c'est vraiment que c'est un bon roman !

J'ai terminé de lire ce livre cette semaine ; mon avis ne sera sans doute pas très construit, mais j'ai beaucoup aimé ce livre (même si j'ai trouvé la dernière histoire un peu glauque).

Je trouve que ce livre est écrit de manière très simple, et qu'il est de ce fait très agréable à lire. Ce n'est pas une écriture recherchée, mais c'est néanmoins un livre bien écrit. Il y a des termes indiens qui sont fréquemment utilisés, en particulier pour parler de la nourriture, mais cela n'entrave pas la compréhension (d'ailleurs, il y a un mini lexique à la fin, auquel je n'ai pas eu recours, puisque je n'avais pas vu son existence).

Tout comme Jaina XF, j'ai été séduite par l'exotisme du roman, qui se manifeste dans le fait que l'auteur évoque les odeurs, la cuisine, l'atmosphère des rues de l'Inde, ainsi que les mentalités. Dans ce train, six femmes vont tour à tour raconter leur vie, Akhila étant celle qui à la fois les écoute et se raconte. Le roman n'est pas construit avec des chapitres qui feraient s'alterner les voix de ces six femmes, mais tout est entremêlé, et on a affaire à ce qu'Akhila appelle le format vignette (je en connaissais pas l'expression, mais je la trouve très juste) : chacune des histoires de ces femmes prend une valeur exemplaire et parfois quasi mythique.

Toutes ne m'ont pas marquée, en revanche, j'ai beaucoup aimé celle de la femme professeur de sciences-physiques qui a une vision très particulière de la vie (elle associe les êtres à des éléments chimiques en fonction de leurs caractéristiques) et qui décide d'engraisser son mari pour l'empêcher de nuire (le rapport à la nourriture est analysé de manière très fine dans cette histoire).

J'ai également beaucoup aimé l'histoire de cette jeune femme élevée de manière traditionnelle, qui, à la suite d'un voyage en Europe, s'émancipe (elle s'habille à l'europénne et adopte un comportement "assez libre", pour ensuite revenir au conformisme dans lequel elle a été élevée, jusqu'au jour où elle décide de prendre sa vie en main et d'apprendre toute seule à nager. Les passages où elle se rend en cachette au bord de la piscine pour observer les autres nageurs, et la description du moment où elle réussit à retrouver la maîtrise d'elle-même et de son corps sont très beaux.

J'ai regretté que l'histoire de la jeune fille si liée à sa grand-mère ne soit pas davantage creusée, et j'ai trouvé l'histoire de la femme aux origines si modestes absolument terrible. Je n'ai pas trop aimé cette histoire ; j'ai trouvé certains de ses aspects assez glauques et dérangeants.

JainaXF a écrit:

Je pense que ce roman m’a plu avant tout parce qu’il a fait vibrer ma fibre féministe ! [...] J’ai apprécié aussi que toutes ne trouvent pas leur voix de la même façon, et parfois fassent des choses que je n’approuverais pas forcément !

Je plussoie, c'est un roman dont le ton est résolument féministe et qui apporte un point de vue nuancé sur la condition féminine. J'ai été scandalisée par la façon dont Akhila avait été traitée par certains membres de sa famille

Spoiler:

En somme, c'est un livre vraiment intéressant, et l'on ne s'ennuie pas du tout. Je trouve qu'en plus d'être dépaysant, les problèmes qu'il évoque ne sont pas circonscrits à l'Inde ; c'est un roman qui pousse à réfléchir et qui s'avère très stimulant pour l'esprit.

Popila tu as exprimé de manière bien plus éloquente que moi les forces de ce roman ! Je suis totalement d'accord sur Margaret qui est un personnage assez fascinant et l'adolescente aurait effectivement gagné à être creusée davantage !
L'histoire de la jeune fille modeste est terrible, mais permet de dénoncer pas mal de choses et elle est passé plus facilement grâce aux autres histoires qui avait un ton moins sordide !


Je te rejoins aussi assez sur la fin,

Spoiler:

Et c'est vrai que le roman fait réfléchir à la situation des femmes en général, souvent prise entre des aspirations contraires : famille, vie professionnelle, désirs...

JainaXF a écrit:

Popila tu as exprimé de manière bien plus éloquente que moi les forces de ce roman !

Oh, mais je t'ai trouvé très éloquente, moi aussi !

Je n'avais pas forcément vu le coté féministe du roman, ou son format vignettes ; je n'arrivais pas à caractériser sa construction ; je crois qu'au fond, ça aurait très bien pu être 6 nouvelles sur 6 femmes différentes : l'auteur a voulu relier ces histoires en plaçant ces femmes dans ce train, et du coup cela permet d'établir des comparaisons.

La dernière histoire est effectivement assez instructive sur une certaine réalité sociale de l'Inde. Je regrette que cette jeune femme n'ait pas pu avoir l'avenir qui semblait se dessiner pour elle. Cette femme s'est fait pressuriser par ceux qui s'estimaient hiérarchiquement supérieurs à elle ; c'est terrible. Qu'elle réussisse

Spoiler:

Par son aspect féminin / féministe, Compartiment pour dames m'a fait songer à deux romans (re)publiés récemment qui se déroulent dans un tout autre contexte : La couleur des sentiments de Kathryn Stockett et Rien n'est trop beau de Rona Jaffe. Ces deux livres ont pour contexte l'Amérique des années 1950 ; ils mettent eux aussi en scène des femmes aux prises avec leur vie familiale, sentimentale et professionelle.

Vos avis donnent envie de lire ce roman!

Perséphone : merci pour le compliment !

Oui, c'est vrai que ça aurait pu être 6 nouvelles (pour moi, une vignette est un aperçu de la vie de quelqu'un), mais j'ai aimé le fait de relier ces femmes et de les faire interagir !
Le côté féministe m'a frappé très vite par contre, avec les revendications des femmes qui doivent se battre contre une société qui les enferme encore !

J'ai entendu parler des deux romans que tu cites, ils me tentent bien et j'essaierai de les lire dès que possible !

Miss Virginia : n'hésite pas, je pense que ça devrait te plaire !

Tiens, je me rends compte que je n'ai pas donné mon avis sur ce livre qui est un de mes coups de cœur de ces derniers mois. Cela fait un moment que je l'ai lu, donc mes souvenirs sont trop lointains pour donner un avis détaillé, mais j'ai pris du plaisir à sa lecture et, comme vous, les filles, il a fait vibrer ma corde féministe. J'ai vraiment été touchée par toutes ces histoires de femmes, j'ai noté plusieurs passages lors de ma lecture, d'ailleurs. Et j'ai l'intention de le conseiller à mon club de lecture : la dernière séance de l'année est toujours consacrée aux livres qui nous ont marqués durant l'année et il m'a touchée au cœur !

J'ai lu ce roman il y a quelques semaines, et il m'a beaucoup plu, alors que je pensais avoir du mal au début de ma lecture à rentrer dedans tellement la société qu'il décrit est aux antipodes de ce que nous vivons sous nos contrées (même si évidemment, tout n'est pas rose, et il reste tant à faire). J'ai plusieurs fois du vérifier que le livre avait été publié en 2002 et que donc l'action, en tout cas du point de vue d'Akhila au présent, se passait à ce moment-là, tellement ça me paraissait incroyable ce qu'on attendait des femmes en Inde encore au début du XXIe siècle. J'avoue qu'à part un ou deux visionnages anciens de films de Bollywood et quelques souvenirs de cours de géographie de Terminale (ce qui nous amène avant 2002, c'est dire ), je ne connaissais pas grand-chose sur la société indienne.

J'ai trouvé le récit des destins de ces six femmes passionnant et bouleversant, et ma fibre féministe a effectivement vibré, hurlé, été horrifiée et désespérée, et dans le même temps, j'ai été admirative de la façon par laquelle, chacune à leur façon, elles ont réussi non pas forcément à s'extirper de leur(s) condition(s), mais à prendre en main leur destin avec le peu de moyens que la société leur confère. La dernière histoire, effectivement, est la plus glauque et la plus sombre, et la plus représentative sur ce qu'une femme peut être amenée à faire pour espérer s'extirper du carcan de la société patriarcale. J'ai beaucoup aimé aussi suivre au fil des pages les pensées d'Akhila, dans laquelle je me suis pas mal retrouvée.

J'ai beaucoup aimé les passages décrivant la nourriture, tous ces plats aux noms inconnus et à la fois alléchants. Je n'avais pas fait attention qu'il y avait un glossaire à la fin du livre que je n'ai vu qu'après ma lecture , mais ce ne m'a pas empêché de sentir ses aliments, de les avoir devant moi et de voyager l'espace d'un instant.

C'était donc un très bon moment de lecture, et je suis contente d'avoir enfin sorti ce roman des tréfonds de ma PAL !

Je l'ai lu il y a peu aussi et c'est drôle parce qu'avant j'avais lu The good girls qui ressemble plus à l'histoire de la dernière femme et du coup, je trouvais que les femmes étaient presque plus libres que ce que je pensais, même si effectivement la condition féminine en Inde est très difficile, mais ça dépend vraiment de leur lieu de vie.

J'ai vraiment apprécié ces différents portraits qui apportent vraiment chacun quelque chose. Et le portrait de la chimiste est glaçant.