Ce roman est le premier publié par Clarin en 1884 et 1885. Ce roman, qui s'inscrit dans le courant réaliste espagnol, connut un véritable scandale lors de sa publication, car il aborde le thème de l'adultère, mais surtout parce que de nombreux passages sont teintés d'anti-cléricalisme.
L'action se situe à Vetusta, une petite ville qui constitue un microcosme. La jeune noble Ana Ozores épouse un homme plus âgé qui est souvent comparé dans le roman à un barbon de comédie. Sa vie est monotone et ennuyeuse, d'autant qu'on l'empêche de poursuivre certains de ses rêves : écrire ou encore devenir nonne. Dans cette ville, elle vit une vie retirée, frustrée de ne pas être mère, et espère quelque chose de meilleur et d'inconnu. Ana va se retrouver partagée entre deux hommes qui vont lui vouer un amour très fort, mais toutefois différent : un chanoine de la cathédrale et Don Alvaro Mesia, une sorte de Dom Juan qui va essayer de partir à l'assaut de cette vertu si bien gardée. Tout le roman se construit autour de la lutte de ces deux hommes pour cette femme.
Pour Don Alvaro, ce n'est qu'une conquête de plus (cela m'a beaucoup fait penser à Valmont et la présidente de Tourvel). Pour le chanoine, c'est différent, il lui voue un amour platonique, et essaie de la faire rentrer en religion, car il sent que l'amour et l'admiration que lui porte Ana sont menacés par Don Alvaro. Sous l'influence du chanoine, Ana va connaître une phase de mysticisme très forte, mais qui ne va pas durer... Je ne vous en dis pas plus...
Ce roman n'est pas toujours facile à lire car Clarin est très minutieux dans sa façon de décrire les personnages. Des chapitres entiers sont consacrés aux sentiments que ressentent le chanoine ou Ana. Mais l'auteur fait preuve de beaucoup d'ironie envers certains personnages. Et d'autres passages sont vraiment drôles.
D'autre part, ce roman est considéré comme étant le Madame Bovary espagnol. Effectivement, on retrouve beaucoup de similitudes : l'ennui, le mariage avec un homme médiocre, l'adultère...
Mais Clarin n'est pas aussi "cruel" avec ses personnages que Flaubert. Contrairement à Charles, le mari d'Ana lui inspire du respect malgré ses côtés ridicules, elle ressent pour lui l'amour d'une fille envers son père. Pareil pour le personnage d'Ana, Clarin a de la tendresse pour son personnage.
Don Alvaro lui est sans arrêt comparé à Dom Juan ou au diable, mais de façon ironique, car il est un bien piètre séducteur...
Ana est une jeune femme idéaliste qui est confrontée à une société hypocrite. J'ai beaucoup aimé le passage où elle découvre la lecture (une des plus belles ^pages de la littérature).
Pour ceux que ça intéresse, le roman a été publié en français chez Fayard.