Si vous avez envie d'une comédie légère et pétillante pour cet été (ou même plus tard), je vous conseille
La Vie de Château, un de mes films préférés
Dans un château de Basse-Normandie vivent Jérôme, sa mère et sa femme Marie. Un résistant français venu d’Angleterre leur tombe du ciel afin de préparer la route des parachutistes américains en vue de l’attaque, qui s’avèrera comique, d’une batterie.
Marie, jeune et belle, s’ennuie dans sa Normandie loin de la capitale qu’elle désire ardemment connaître. Pourtant, il se passe des choses et le débarquement est imminent.
Jérôme, mou et empâté, image d’un châtelain respectueux et un brin ennuyeux, ne s’investit que modérément dans ce second conflit mondial. Ceci exaspère Marie qui ne rêve que de héros.
Julien répond admirablement à ce critère. La tentation est grande de s’abandonner à l’aventure. Marie est également courtisée par un officier allemand, locataire temporaire du château avec ses hommes.
Comment Jérôme, enfin conscient du danger, réagira-t-il ?
Grâce à sa ressortie en DVD, j’ai enfin pu redécouvrir – et avec un plaisir toujours intact – cette
oh combien réjouissante comédie. Le film de Rappeneau est un cocktail savoureux où se mêlent rires audacieux et grande Histoire, et où le rythme endiablé du comique n’entrave en rien les sentiments et les émotions de ses personnages. Et les émotions, l’héroïne en ressent ! La jeune et séduisante Marie n’a rien à envier aux grandes figures de la comédie hollywoodienne. Son impertinence à la fois grave et joyeuse, son air mutin et son débit mitraillette blesseront ses trois prétendants tour à tour, pour le plus grand plaisir du spectateur.
Lorsque nous faisons sa connaissance, dès l’ouverture du film, elle est en train de lire, confortablement installée dans un hamac, et nonchalamment,
Shirley de Charlotte Brontë. Quel merveilleux clin d’œil que ce roman anglais du XIXème siècle qui fait écho à sa propre situation, celle d’une jeune héritière, femme libre et indépendante.
Tout au long du film, elle se montrera bien décidée à ne pas s’en laisser compter ni dominer par les trois héros de l’histoire. La jeune femme n’a qu’un désir : vivre et quitter (du moins pour un temps) sa région qui l’ennuie.
Nous sommes en 1944. La guerre fait rage mais n’a pas encore fait irruption dans ce patelin paisible. Or, la jeune châtelaine souhaite plus que tout prendre part aux évènements. Son mari (Philippe Noiret), sympathique mais un peu falot, refuse d’accéder à sa requête. Peu sûr de lui, il ne souhaite pas exposer sa femme aux tentations de la capitale car il est convaincu qu’elle est bien trop belle pour lui.
L’arrivée inopinée d’un officier allemand puis d’un jeune et fringant résistant français, qui tombent tous deux sous le charme de Marie, bouleversera à jamais la vie de ce couple bien trop tranquille …
Dans la veine des comédies trépidantes de Philippe de Broca et même et surtout des
screwball comedies de l’âge d’or hollywoodien, Rappeneau signe un film incroyablement maîtrisé. On peut saluer, d’un point de vue purement formel, la luminosité du noir et blanc, le dynamisme des mouvements de caméra et de la dramaturgie. Le metteur en scène s’autorise une liberté de ton incroyable et passe d’un registre à l’autre avec une aisance déconcertante. Ses dialogues, très écrits, sont succulents.
Les acteurs ne sont pas en reste et donnent vie de manière très inspirée à cette petite galerie de personnages fantasques. Catherine Deneuve, alors tout juste âgée de 22 ans, signe une prestation de grande classe, à la fois subtile et fougueuse, à l’image parfaite de l’héroïne qu’elle incarne. Etonnant que cette blonde diaphane puisse rappeler Rosalind Russell , mais c’est le cas ! Philippe Noiret tire aussi son épingle du jeu. Il est remarquable dans le rôle de Jérôme, avec sa bonhomie naturelle, sa voix traînante et sa carrure de géant. Pierre Brasseur, le père de Marie et Marie Marquet, la mère snob de Jérôme, sont quant à eux explosifs. Henri Garcin campe quant à lui, avec une vivacité mordante, le résistant qui séduira Marie.
Mention spéciale au dénouement que j’ai adoré (et qui m’a donné entière satisfaction) !
La Vie de Château est une comédie délicieuse et raffinée. Même si la gravité n’est jamais loin, elle est empreinte d’une insouciance et d’une fraîcheur irrésistibles. Ce film fut un grand succès à sa sortie et je comprends pourquoi, même près de 50 ans plus tard …