J'ai eu la chance de trouver ce livre dans une bibliothèque de ma ville, au rayon jeunesse plus particulièrement. Ce qui m'a d'ailleurs quelque peu étonnée, et m'étonne toujours, car après l'avoir lu je pense qu'il s'adresse à un public déjà lecteur des œuvres de Jane Austen. Bref, revenons-en à nos moutons.
Il faut que je confesse que j'ai toujours eu du mal à tirer parti des "beaux livres", je n'arrive pas à être en contemplation devant des photos ou des dessins en règle générale. Je craignais donc d'être incapable d'apprécier cet album, mais à ma grande surprise ça n'a pas du tout été le cas.
J'ai pris beaucoup de plaisir à sa lecture et son admiration, j'avais même l'impression de déambuler dans un de ces fameux parcs "délicieux" et "charmants" qui parsèment les romans de Jane, j'étais clairement en terrain austenien
.
Ce qui m'amène au point principal de ma critique : l'immersion. Dans les premières pages de l'album, l'écrivain nous annonce que nulle excursion ne serait pleinement réussie sans éprouver une sensation d'irréalité.
Le pari est vraiment réussi à mes yeux, les auteurs ont réussi à recréer, par le biais de quelques textes, grâce au choix soigneux des tournures de phrases et à la minutie du vocabulaire, et de la délicatesse et de la douceur des peintures, l'atmosphère feutrée et pleine de quiétude d'un musée. C'est un apaisement de parcourir ces pages qui résument rapidement les intrigues des différents romans, mais qui offrent aussi plusieurs réflexions et points intéressants à méditer. S'ils ne sont pas neufs, ils ont du moins le mérite de donner envie de replonger dans les romans.
D'ailleurs l'auteur dit à un moment à propos d'
Emma (mais à mon avis ça s'applique à tous les romans de Jane Austen), que "d'aucuns, qui l'ont mal compris, estiment qu'il ne s'y passe rien, ou presque. Mais ce rien, c'est « tout », justement, c'est la vie - une profusion d'énigmes, de menues tricheries, de fantaisies sans conséquence". C'est exactement mon opinion (résumée, cela va sans dire
) sur l'œuvre de Jane Austen, ce qui fait sa richesse et sa grandeur. Virginia Woolf en parlait très justement : "aucune histoire romanesque, aucune aventure, intrigue politique ou amoureuse n'était de taille à rivaliser avec la vie dans l'escalier d'une maison de campagne", ainsi que Walter Scott : "cette jeune femme a un talent pour décrire les relations et les sentiments de la vie ordinaire qui est à mes yeux le plus merveilleux que j'aie jamais rencontré. Le bruit et la fureur, je peux m'en charger, comme n'importe qui de nos jours, mais la touche exquise qui rend les choses et les gens intéressants dans leur banalité m'est refusée". Tout ceci résumé en une phrase de Fabrice Colin, chapeau
.
Une autre réflexion de l'auteur qui m'a beaucoup plu, et qui devrait plaire aux autres membres du forum puisque c'est un des chevaux de bataille de tout Janeite, c'est la réfutation du qualificatif d"auteur sentimental". En effet, "certains - ceux qui ne les ont pas lus - croient que les romans de Jane Austen ne sont que de jolies fables parfumées à la rose ou à la violette... [...] En vérité, elle est l'une des plus grandes créatrices que la littérature ait jamais enfantées. Elle a inventé un monde : le monde enchanteur de ses livres [...] où tout, toujours, est placé sous le signe du sens". Voilà, merci M. Fabrice Colin
.
Un dernier détail que j'ai beaucoup aimé, c'est que la "visite" du musée est guidée par Lizzie elle-même
. Ce rôle important, ajouté à la ressemblance soulignée par les auteurs entre ce personnage et Jane Austen, me fait penser qu'Elizabeth sert ici d'avatar à Miss Austen, les auteurs n'ayant peut-être pas osé utiliser l'image de cette dernière. C'est peut-être idiot mais j'ai aimé retrouver une de mes opinions personnelles dans l'album : celle selon laquelle Elizabeth est le personnage de Jane qui lui ressemble le plus (en ce qui me concerne je vais même encore plus loin, car j'ai l'intime conviction que Lizzie ne se contente pas d'être, parmi ses créations, celle qui lui ressemble le plus, elle est Jane elle-même).
En revanche je n'ai pas compris le choix de la couverture. À la lecture de l'album on comprend qu'il s'agit de Marianne et Willoughby, lorsque ce dernier la sauve après qu'elle se soit tordu la cheville, mais ils sont loin d'être un couple emblématique (comme Elizabeth et M.Darcy ou Anne et le capitaine Wentworth), et d'ailleurs ils ne sont jamais un couple officiel puisque Willoughby tient lieu de "rascal" dans le roman. Peut-être que cette illustration a été choisie car c'est la seule qui dépeint un couple dans une pose romantique "classique", étant donné qu'il s'agit de la seule situation qui justifie cette pose, mais je trouve ça dommage.
Je ne résiste pas au plaisir de vous mettre quelques photos des illustrations que j'ai beaucoup aimées (si c'est interdit dites-le-moi).
Voici Fanny, j'aime beaucoup cette peinture, je ne sais pas pourquoi.
Et ici si je ne m'abuse, c'est bien Sa Majesté la reine d'Angleterre elle-même qui visite le musée
Oh mais, Lizzie 2005 nous fait une petite surprise
Rho, M.Colin Firth vous auriez pu prendre le temps de vous changer après votre petit bain dans le lac. Je sais que le musée est sur votre domaine, mais tout de même
Très sympas ces petits clins d'œil
.
Pour conclure, j'ai eu presque autant de délectation (presque seulement, il ne faut pas exagérer) à parcourir les pages qui forment ce musée imaginaire, que j'en aurais eu à visiter un véritable musée consacré à Miss Austen.
Je ne vais pas mentir, pour un connaisseur il n'y a rien à apprendre dans ces pages, seulement le plaisir de lire un discours qui, s'il est déjà connu, n'en est pas moins toujours délicieux à relire et à trouver chez d'autres.