Karen Maitland

J'ai envie de vous présenter un de mes derniers coups de cœurs, qui m'a été offert par ma meilleure amie, de très bon goût, c'est elle qui m'a fait connaître Les Piliers de la Terre... Je suis d'autant plus motivée que depuis quelques jours, j'ai échangé plusieurs mails avec l'auteur, qui est donc l'anglaise Karen Maitland, à ma grande surprise, elle a eu l'extrême gentillesse de répondre à mes questions via le mail que propose son site internet... Depuis tous ces évènements, je suis allée à la librairie anglaise de Paris et j'ai feuilleté en VO non seulement le livre que je viens de lire, à savoir La Compagnie des Menteurs (The Company of Liars) mais aussi son dernier livre paru The Owl killer, très prometteur et va bientôt être traduit en français, aux éditions Sonatine.


Née en 1956, Karen Maitland est une grande voyageuse, de Malte à l'Arctique, en passant par le Nigeria, où elle a expérimenté, selon son site internet http://www.karenmaitland.com/index.html, un mode de vie très médiéval... Elle sait donc de quoi elle parle dans ses romans... passionnée par le Moyen-âge, elle vit d'ailleurs dans la ville médiévale de Lincoln, elle m'a raconté être venue cet été à Paris pour visiter le Musée Cluny du Moyen-âge, une petite merveille, dont elle garde un souvenir ému, elle a toujours sous ses yeux sur son bureau de travail des photographies couleur sépia des plus belles œuvres qu'elle y a vues...

J'hésite à évoquer La Compagnie des Menteurs en convoquant des souvenirs de lecture que vous pourriez avoir, comme Les Piliers de la Terre ou encore le Nom de la Rose... Le trait commun serait le monde médiéval, ou encore le mystère mais finalement, je me rends compte depuis quelques jours que la meilleure approche que l'on peut faire est celle des Contes de fées, contes qui ne sont pas toujours roses comme chacun sait et qui prennent leurs origines dans les travers d'une société... C'est en tout cas ce que j'ai retenu des mes "discussions " avec Karen Maitland, il est clair que si elle a fait un travail fouillé, soigné et approfondi du Moyen âge en Angleterre, elle a surtout voulu rendre un fabuleux hommage à ce merveilleux pays qui nous fait tant rêver, fait de mythes et de légendes, peuplés de fantômes, sorcières et elfes en tout genre...

L'intrigue nous emmène dans une Angleterre sombre et torturée, nous sommes en hiver 1348, la peste et la famine se disputent les morts... Nous suivons une compagnie de voyageurs (Camelot qui vend des reliques sacrées, Rodrigo le troubadour vénitien et son élève Jofre, Adela qui est enceinte & son mari Osmond, Zophiel le bateleur & sa sirène, Narigorn la fille albinos qui lit les runes, Plaisance la guérisseuse et mon préféré le conteur Cygnus), réunis par hasard, et qui cherchent à rejoindre un endroit plus sûr, loin de la peste... Chacun d'entre eux cache un secret, & ce secret les met en danger de mort, car le Mal rôde partout et punit les menteurs... Pour certains, on peut facilement deviner ce qu'ils cachent, mais ce n'est pas cela qui nous maintient en haleine... C'est un tout, c'est une époque, brillamment restituée, si précise dans les détails que l'on peut presque ressentir le froid mordant ou les odeurs pestilentielles des marais... Le texte est riche de références aux contes et légendes, comme me l'a expliqué Karen Maitland, elle est allée chercher très loin au delà de la période chrétienne, avant l'apparition de l'Eglise qui a posé un verrouillage tragique sur l'interprétation des contes et légendes. L'écriture est exigeante, j'ai donc eu l'occasion de voir la VO, c'est à la fois fluide et très prenant, on y apprend énormément de choses. On s'attache très facilement aux personnages, l'effet est reforcé par l'utilisation pour la narration de la première personne du singulier. Mais le personnage qui m'a le plus touchée est Cygnus, l'homme-cygne, j'ai demandé des précisions à son sujet à Karen Maitland, voici ce qu'elle m'a répondu (je traduis )

Citation :

l'idée de ce personnage m'est venue pendant mes recherches sur les vieilles histoires qui sont à l'origine des contes des frères Grimm, Les Six cygnes , mais aussi du ballet Le Lac des Cygnes, etc... Comme vous le savez, dans la période avant Jesus Christ, partout en Europe, les gens croyaient en l'existence d'êtres surnaturels qui prenaient la forme d'oiseaux, notamment de cygnes, qui pouvaient se transformer en humains et tomber amoureux d'humains, et une fois lassés de cet amour, ils pouvaient reprendre leur forme de cygne et s'envoler très loin. Au moment de l'apparition de l'Eglise chrétienne, de telles histoires sont devenues hérésie, l'idée même qu'un oiseau ou un animal pouvait avoir des pouvoirs supérieurs aux êtres humains, de même que la liberté absolue entrait en opposition directe avec les enseignements de l'Eglise qui prêchait pour la bassesse de la condition animale. Alors l'idée que quelqu'un préfèrerait être un oiseau par exemple, à la place d'être humain était hors de portée de leur compréhension. Mais l'Eglise ne pouvant juste faire disparaitre ces histoires, elle décida de les modifier, en les prenant à contre-sens. Les créatures-cygnes devenaient des humains méchamment transformés par la sorcellerie et étaient désespérés de redevenir humains. Seules les valeurs chrétiennes de l'amour, la vertu, la foi etc...pouvaient leur permettre de se transformer. L'histoire de Cygnus vers la fin du livre est issue de la légende pré-chretienne et post-chrétienne. La jeune fille du début du conte veut absolument redevenir cygne, tandis que le prince qui est un cygne (et qui représente donc le revirement dû à la religion) veut rester humain. Dans mon idée Cygnus représente le Païen, il veut être pleinement cygne, mais tous les autres, sauf lui, le veulent humain. Zophiel le voit comme un infirme, Adela comme un cadeau.
Vous connaissez sans doute le conte que Cygnus raconte vers la fin au sujet d'un chevalier Cygne, c'est tiré d'une chanson de ménestrel, qui officiellement, était un mensonge. Des rumeurs s'étaient répandues disant que le Chevalier commandant des Croisades de Jérusalem n'était pas de noble naissance. Voir cette façon de penser commencer à être largement acceptée aurait remis en cause le système féodal dans son ensemble, lui qui est basé sur l'idée que seul celui de noble naissance possède les qualités nécessaires de chevalerie et est né pour commander. On ne pouvait pas laisser les paysans croire qu'ils pouvaient eux aussi devenir un jour des décideurs. C'est pourquoi un troubadour français fut chargé d'inventer un lignage pour ce Chevalier Commandant, et ce fut un mensonge avec un tel succès que plusieurs familles nobles l'ont repris à leur compte.

Passionnant n'est ce pas??
Un de mes gros coups de coeur donc, je pense que je vais suivre cette romancière de très près!!

Lady Clare a écrit:

elle m'a raconté être venue cet été à Paris pour visiter le Musée Cluny du Moyen-âge, une petite merveille, dont elle garde un souvenir ému, elle a toujours sous ses yeux sur son bureau de travail des photographies couleur sépia des plus belles œuvres qu'elle y a vues...

Avec de telles références, je ne peux qu'avoir envie de lire ses livres !
Merci Lady Clare ça a l'air génial... Il faut que j'essaie de trouver ça au plus vite !

Merci Jo, j'espère que ça va te plaire!!! au fait, encore un argument pour toi, c'est mon amie de Strasbourg!!

J'ai lu La compagnie des menteurs il y a quelques mois, et même si ce n'est pas un coup de cœur, j'ai apprécié le livre.
Ce n'est effectivement pas le secret que cache chaque personnage qui est important, ni qui est l'auteur des malheurs qui leur arrivent (là, j'avais deviné), mais bien l'ambiance, le cadre historique.
J'ai trouvé cette partie vraiment passionnante, avec l'avancée de la Peste en Angleterre, et les croyances des habitants, par exemple: ne pas aller vers les ports du sud qui sont infestés, alors que petit à petit, la Peste gagne du terrain.
J'avais lu Les pilliers de la terre quelques temps auparavant, donc j'étais en pleine période moyenâgeuse, et ce livre m'a bien transporté dans cette époque.
Pour l'intrigue, je ne m'attendais pas du tout au secret dévoilé par la dernière personne, c'était très bien trouvé

hum ça peut être bien. Je note ! (J'adore l'époque et le type de bouquin mais c'est compliqué d'en trouver des biens ! Bon forcément après l'oeuvre au noir la tâche est rude mais il faut continuer à chercher )

J'ai déjà lu (et aimé) Les Âges sombres de Karen Maitland, je viens de finir La Compagnie des menteurs qui m'a tout autant plu.
Comme cela a été dit plus haut, ses romans valent surtout pour l'ambiance et les talents de l'auteur pour reconstituer le Moyen-Âge : La Compagnie des menteurs possède une ambiance très oppressante et très crédible, quand on lit ces descriptions de la pluie, de la saleté, de villages dévastés par la peste... on a vraiment l'impression d'y être et c'est assez fascinant.
L'intrigue est également de qualité : le résumé en donne un peu trop et laisse croire à un roman policier historique "classique" alors qu'en réalité, c'est plus lent et plus psychologique. Derrière l'histoire, il a un côté "légende" et "conte moralisateur" par le fait que les membres de cette troupe de voyageurs décèdent les uns après les autres de mort violente après qu'on ait découvert leurs sombres secrets. Le dénouement est assez magistral dans le sens où il est très surprenant : concernant le meurtrier, je ne m'y attendais pas du tout (même si après avoir su qui s'était, on se rend compte qu'il y avait des indices) et le tout dernier chapitre m'a abasourdie car je ne m'y attendais pas du tout !

sandie a écrit:

t le tout dernier chapitre m'a abasourdie car je ne m'y attendais pas du tout !

Je ne sais pas si les lecteurs peuvent le deviner, j'étais très étonnée moi aussi en lisant la fin.

Je l'ai acheté il y a 15 jours et ce que vous dites sur la fin me donne très envie de m'y mettre !

Je note, je note, ma PAL va encore s'agrandir...

Je le commence bientôt !

Diana a écrit:

sandie a écrit:

t le tout dernier chapitre m'a abasourdie car je ne m'y attendais pas du tout !

Je ne sais pas si les lecteurs peuvent le deviner, j'étais très étonnée moi aussi en lisant la fin.

Avec le recul, il y a un passage qui m'a presque mise la puce à l'oreille :

Spoiler:

@ Shelbylee : j'ai hâte d'avoir ton avis et surtout de savoir si tu vas tomber dans le piège comme Diana et moi

Je finis mon livre en cours et je m'y mets !

Je l'ai lu et je dois dire que c'est plutôt une déception.

Je n'avais pas lu vos spoilers, mais je pense que le fait de savoir qu'il y avait une révélation m'a fait être plus attentive et j'avais deviné la fin

Spoiler:

Il faut dire surtout que j'avais déjà deviné quasiment tous les secrets du groupe, car on les voit venir de très très loin.

Certes, le Moyen Age est décrit correctement, mais je trouve qu'on reste à la surface des choses (il faut dire que je l'ai lu entre Enfant 44 et Dissolution qui eux sont beaucoup plus riches au niveau des faits et beaucoup mieux construits au niveau des révélations).

J'ai par contre trouvé les récits de contes très beaux.

Mais ce qui m'a déplu c'est le fait qu'on plonge vers le fantastique (comme bien souvent dans les récits dont l'action se passe au Moyen Age, alors que je trouvais le thème d'être rongé par les remords très intéressant sans qu'on y colle de la pseudo-magie

Spoiler:

J'ai lu ce roman il y a quelques semaines.

Karen Maitland sait installer une ambiance oppressante et semer le doute dans l'esprit du lecteur, l'intrigue suit le lent cheminement et la fuite en avant des personnages sur les chemins boueux et dangereux de l'Angleterre du Moyen-Age, mais tout se met en place un peu tard. Les personnages sont plutôt bien campés, le contexte historique est suffisant, sans être trop pointu.
Le roman n'a cependant pas tenu toutes ses promesses à mes yeux...Un manque de rythme et un dénouement prévisible, sans oublier, le rebondissement absolument inutile à la toute fin du roman m'ont laissé un petit goût d'inachevé.
Une lecture qui n'en reste pas moins intéressante.

J'ai lu La Malédiction du Norfolk, le troisième roman de Karen Maitland a avoir été publié en France et j'ai été un peu déçue. L'ambiance est toujours aussi fascinante, l'auteur a un vrai talent pour nous plonger dans un Moyen-Age dangereux et crasseux, empreint de religion et de superstitions.
C'est plutôt au niveau de l'intrigue que je suis restée sur sa faim : déjà, on ressent moins le côté policier que dans les précédents, et j'ai trouvé l'histoire un peu confuse et longuette. Par contre, les dernières pages sont assez surprenantes et nous font un peu regretter que ce soit la fin (c'est assez paradoxal avec le reproche que j'ai fait juste avant, j'en conviens ). Les en-têtes de chapitres, qui nous permettent d'en savoir plus sur les superstitions et les croyances du Moyen-Age sont une bonne idée également.